fugacement bon

2014-09-07 19.55.50

J’ai vu…

J’ai vu Fabrice Lucchini chez Delahousse. L’interviewé se faire interviewer. Une bibliothèque vivante interpeller nos gouvernants actuels : « Il n’y a qu’une seule passion qui doit vous habiter : nourrissez-vous de littérature ! Nourrissez-vous de ces génies que sont Flaubert, La Fontaine ! Vous ne pourrez pas affronter la compétition du monde si vous ne comprenez pas que nous partons d’un point unique ! Nous avons une littérature de génie, de Molière à La Fontaine, de Flaubert à Céline. Lisez, allez voir des films littéraires ! Amusez-vous, pas dans les « jeux de vérité », pas dans les confidences hasardeuses, amusez-vous ! ». J’ai vu une parole libérée de toute forme de préséance prendre le contrôle d’un créneau hyper-formaté habituellement cornaqué par un animateur gourou. J’ai vu ce vagabond idéologique, libre de surfer aussi sur tous les registres de notre langue y compris le plus cru, gratifier un média populaire de grande écoute de dix minutes de pure intelligence. J’ai vu la culture et les « humanités » brièvement revivifiés.

J’ai vu un croate du nom de Goran, sur l’émission Thalassa (Croatie, une autre Méditerranée), raconter qu’il avait dit non aux 3 millions d’Euros que lui proposait un promoteur pour sa terre. Au fond d’une des plus jolies baies de l’Adriatique, un petit bout de paradis très convoité et une vie simple rythmée par l’activité du bateau-épicerie, un peu d’agriculture et l’accueil des touristes. Un visage buriné, encadré par de longs cheveux et une barbe d’argent. Un Robinson farouchement attaché à sa liberté de vivre sa vie comme la vivait déjà son propre père ici : « Que ferais-je de 3 millions d’Euros ? J’irais en face, m’enfermer dans un appartement ? Je m’achèterai un zodiac et viendrai ici en touriste ? » J’ai vu l’extrême émotion de cet homme vrai à cette seule pensée. J’ai vu l’argent tout puissant se prendre un méchant vent…

J’ai vu ces jeunes skateurs niçois dévaler joyeusement l’avenue en-dessous de mon balcon. Pratiquer leur sport malgré l’injuste harcèlement de la police niçoise qui interdit en ville ce mode de transport doux, et malgré la pression récurrente de la délinquance locale. Oser prendre sa planche, rouler dans la rue, arpenter sa ville avec la même fraicheur juvénile, avec le même enthousiasme jamais altéré par le peu de bienveillance dont fait preuve cette ville définitivement has been sur bien des sujets. J’ai vu l’audace éternelle de la jeunesse, contre vents et marées…

J’ai vu un homme éteindre désormais son ordinateur en fin d’après-midi. Et ne plus le rallumer avant le lendemain… Un homme dont ce même ordinateur est outil de travail indispensable, également modeste mais régulier contributeur sur la blogosphère, croisant sur les réseaux sociaux les plus divers. Débrancher mais ne pas couper. Juste moins de post, moins de tweet, moins de partages… J’ai vu un blogueur revenir à ce qu’il considère comme le sel de sa vie : contempler, observer, écrire ou dessiner à une terrasse de café, méditer en plein cœur de la forêt, donner du temps aux gens… Donner du temps à l’écoute de personnes faites de chair, d’os et d’émotions à portée de regard…

J’ai vu, une fin d’après-midi, cet espace de ciel bleu, longtemps au-dessus de la colline en face. Cerné par toutes les ombres du ciel, par une épaisse masse de nuages sombres. Un espace immobile de clarté offrant un ultime passage à la lumière déclinante du soleil.

J’ai vu de brefs espaces de liberté, ici et là.

J’ai vu que cette liberté était plus que jamais le seul phare de ma vie…

écran total

2013-02-25 18.31.26 copie

No Screen Day

Bonjour à tous et à toutes ! Me revoilà donc, après avoir sauté un tour comme je l’avais envisagé dans mon avant-dernier post Te connecter tu dois. A vrai dire, quand j’envisageais cette possibilité, je ne pensais pas qu’elle arriverait forcément aussi tôt. Non, vraiment c’était sans préméditation aucune.

Tout a commencé avec le début des vacances de février de la zone B. Mes fils sont dès le premier jour partis au ski, et à force de voir tous ces braves travailleurs et travailleuses partir s’éclater sur les planches, j’ai décidé de ne pas être en reste : j’ai ouvert chez moi un chantier parquet flottant. Cuisine et salle de bain ma bonne Dame ! Or, vous savez peut-être ce que c’est : c’est le genre de job qui nécessite pas mal de concentration. Et une fois qu’on est lancé, on n’a pas trop envie de traiter l’affaire en pointillés.

Bref, dès le premier jour, je m’immerge à 300% dans les problématiques de coupe, de découpe, de raccord et d’étanchéisation. Et m’aperçois au moment de me coucher que dans cette première journée, je n’ai à aucun moment posé mes yeux sur un écran. Et quand je dis aucun, c’est aucun : ni ordi, ni télé, ni même smartphone. Il m’arrivait déjà de me faire des « No computer days », mais là je viens bel et bien de faire dans le « No screen day »… Un sentiment mitigé : sensation de repos de tous les sens mâtiné de trouble intérieur. D’un côté, la réactivation de cette intelligence des mains, aptes à faire autre chose qu’appuyer sur des touches de clavier, associée à l’extrême attention dans les calculs et coupes, provoquaient une détente nerveuse que ne venait contrarier aucune onde en ADSL ou en 4G. De l’autre, il y avait la réalisation soudaine que ce moment-là n’avait probablement pas été vécu depuis des années, si l’on excepte les vacances à Oléron, dans la Creuse ou dans le Mercantour. Je veux dire là, chez moi, avec tous ces outils du web 3.0 à portée de main… Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

Du coup, j’ai totalement déconnecté les jours qui ont suivi… J’ai pris au passage la décision de renouer avec cet âge d’or que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : passer de temps en temps 24 heures sans écran sous les yeux. Et j’ai pris la grande liberté au passage de ne pas céder à « l’injonction à publication » qui peut vite être aussi le lot du blogueur. Un rapide passage sur les réseaux sociaux ces derniers jours m’a permis de constater qu’il ne fallait pas céder à la culpabilité de rater quelque scoop : la dernière petite blague de Hollande sur Sarko au Salon de l’Agriculture est certainement un événement de la plus haute importance, à voir comme elle intéresse à ce point journalistes et ténors de l’opposition. Vraiment, ça vaut le coup d’allumer son poste de télé ou d’activer son compte tweeter ! Pas d’hyperlien donc, vous ne m’en voudrez pas je crois.

Voilà, je vous invite surtout à faire aussi souvent que vous le pouvez des séances de « No screen Day ». C’est un vrai délice ! Car, au même titre que le « No Buying Day » de novembre, il n’est pas question de devenir des mormons, pas plus que de faire croire à qui veut l’entendre qu’internet est l’autre nom de la Matrix. Même si on est désormais très loin des rêves libertaires des tous premiers internautes, c’est clairement l’une des plus grandes inventions de ces dernières décennies. Non, il s’agit juste encore une fois de garder le contrôle et de rester connecté au… non-numérique. 

En tout cas, ce qui m’a le plus rassuré avec cette petite grève surprise des écrans, c’est de constater que partout une résistance s’organise. En tapant No Screen Day sur Google je tombe sur le site officiel noscreenday.org qui exhorte les enfants et les jeunes adultes à éteindre l’ensemble de leurs outils numériques une fois par semaine. Il est malheureusement en maintenance à l’heure où je rédige ce post. Ça ne s’invente pas. Un autre site, chrétien, propose le black out pendant 3 heures. Sur le dernier ELLE magazine, Alix Girod (alias Dr Aga) nous relate son expérience journalistique : « pendant une semaine, elle a mis toute sa petite famille sur off. Ambiance électrique. » Saviez-vous également que depuis 2 ans, le 28 février est désormais journée mondiale sans Facebook ? Donc, c’est jeudi prochain pour les amateurs de sensations fortes (oui, nous en sommes là encore une fois).

Bon, après pour ceux qui n’ont pas de génération Y ou Z à la maison, et qui restent sceptiques à la lecture du présent post, il y a aussi la possibilité de revoir ce très joli film qu’est WALL-E : tellement plus réaliste que Matrix comme pitch. Rendez-moi ma scie-sauteuse et mon tire-lame !