Morne printemps, printemps mort-né

Une pluie fine tombe sur Nice,
Un vent doux agite les arbres.
Le printemps s’annonce
Mais les plus petits oiseaux se taisent.

Les cris des goélands seuls
Pour ambiance sonore.
Le printemps s’annonce en France
Mais un puissant menace
D’un hiver nucléaire.

La guerre est aux portes de l’Europe.

Je regarde les immeubles et les villas en face.
Je transpose par la pensée le chaos aperçu en Ukraine.
J’imagine soudain ces jolis bâtiments éventrés, pilonnés.
J’imagine les arbres en face calcinés, noircis, violentés.

J’imagine le feu, les cris, le bruit des armes et des explosions.
Je visualise notre cave où nous pourrions nous cacher.

A quoi tout cela tient-il ?

Il y a près de quatre-vingt ans
Ce fut la réalité de ce qui n’était pas encore l’Europe.
Berlin, Le Havre, la Normandie…
Pilonnage sans discernement des villes

Et tant pis pour les civils.

A moins de quatre mille kilomètres d’ici,
Le fou du Kremlin a bombardé
une maternité et un hôpital pour enfants
Les secours évacuaient des femmes en train d’accoucher.

Une petite pluie de printemps.
Petite eau de mars.
Mais le dieu belliqueux s’est invité.
Un soldat maltraite à nouveau un paysan.

Mon petit merle s’efface aux cris discordants des goélands.

Les eaux de mars,
Les os de Mars.
A nouveau les charniers de l’insatiable divinité.
Il pleut sur la colombe.
Si près à nouveau les bombes.

Il y eut un soleil trompeur.
Aujourd’hui un printemps de peur.

Pluie de feu,
Eaux brûlantes,
Mars le veut
En gouttes sifflantes.

Morne printemps.
Printemps mort-né.

Nice, le 13 mars 2022

Lu Yu, de retour

Écrire, ne pas écrire…

Composer un poème est à l’origine un des plaisirs
de l’oisiveté

mais composer et fredonner en sont venus à occuper
tout mon loisir

je vais donc sur le champ brûler mon pinceau
et briser ma pierre à encre,

et à ma guise contempler librement les montagnes
bleues

LU YU (1125 – 1210)