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Perdre sa naïveté, pas son optimisme

Bon, ben, voilà, fin du quart d’heure poésie et rêverie, désolé.

Et voilà, en effet, c’est reparti ! Ce matin, au Salon de l’Agriculture, le service d’ordre de François Hollande s’est à nouveau lâché ! Il y a de la frustration c’est vrai chez le flic ou le cerbère de France, incapable de tenir en échec deux jeunes avec Kalach… Alors, qu’à cela ne tienne, tiens on va violemment plaquer au sol Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération Paysanne. C’était ce matin au Salon de l’Agriculture. En même temps, il avait fustigé la veille le projet de la ferme des Mille Merdes, euh… des Mille Vaches, pourfendant l’industrialisation de l’agriculture. L’Etat est tout de suite plus coulant avec la FNSEA. Quel courage, bravo le super cow-boy du jour ! En même temps, il va falloir finir par comprendre ce qu’est réllement celui que l’on appelle à tort Flanby ou Mister Blagounettes. Oui, rappelez-vous ce qui était arrivé à ce citoyen qui avait hélé notre cher président débonnaire sur le mode « Mr Hollande, elles sont où les promesses ? » Il venait de découvrir, le Nouveau code de déférence Présidentielle de la Vème République. C’était mon post du 24 mars 2013. Le temps passe, le style s’affirme donc.

Mais tout ça commence sérieusement à me chauffer à nouveau les oreilles.

Le 49-3 par-ci, les Indemnités Représentatives de Frais de Mandat (IRFM) de certains députés au service de placements immobiliers par-là. Comment il dit déjà Macron, énarque, ancien banquier et millionnaire ?  : « Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre. » Ah, ces ambitieux qui nous font le couplet de la confiance en soi. Toi aussi, tu peux y arriver, man ! Et toi, aussi. Et toi ! Oui mais voilà, les êtres humains sont tous différents, tout le monde ne réagit pas de la même façon à la misère et autres épreuves de la vie. Etre travailleur pauvre et se dire chaque matin comme Dany Boon : « Je vais bien, tout va bien ! Je suis gai, tout me plaît », c’est pas tous les jours évidents Mr Macron. Tout le monde ne naît pas avec une cuillère en argent dans la bouche. Ce qui est le cas de la quasi totalité de ceux qui occupent l’hémicyle. Ce qui pose de facto les limites des valeurs démocratiques de cette Vème République.

Du reste, le ressort du système c’est certainement l’espoir que chacun a, y compris dans la « France d’en-bas », que le changement sincère et honnête est encore possible. Malgré les promesses non tenues. Une énième fois.

Oui, tout ça me chauffe à nouveau les oreilles, cet autoritarisme sur fond de bla-bla permanent. Perdre sa naïveté, année après année, entre résignation et indignation. Tenez, par exemple, la semaine dernière, j’ai passé toute la journée en Maison d’Arrêt (que je ne nommerai pas pour des raisons évidentes) avec un jeune détenu dont c’était la première incarcération. Il s’est fait prendre avec 30 grammes de shit. Contrairement à nombre de récidivistes endurcis que je vois, il avait ce projet obsédant de sortir vite, que cette fois-là soit la première et la dernière. Nous avions tous noté qu’il était sincère dans sa détresse. En quittant le Quartier des Mineurs par différents « check point », je suis arrivé avec mon collègue à une « rotonde » : un carrefour entre plusieurs secteurs. Il y avait là trois jeunes d’une vingtaine d’année. Ils fumaient chacun leur petit joint sans se sentir dérangés par notre présence, sans s’inquiéter de savoir si nous étions des formateurs, des hommes de loi, des surveillants en civil… Nous étions seuls, aucun surveillants en vue. Alors après, ont peut toujours lever son petit menton bien haut et frapper sur son pupitre : « Nous n’accepterons pas ! Nous ne tolèrerons pas ! ». Bla-bla-bla-bla-bla ! Bla-bla-bla-bla-bla ! Quel cinéma que ces grandes crises d’autorité ! Légalisez-nous tout ça ou alors donnez-vous les moyens de la cohérence. Pas de doute, l’expérience de l’univers carcéral, elle, continue à me faire perdre un peu de cette naïveté que l’on pourrait volontiers croire disparue à près de 50 piges. Il en reste toujours un peu, a priori.

Oui, j’ai les oreilles qui chauffent, oui, ma naïveté décroît à mesure que croît une certaine forme d’endurcissement. Je songe à ma carte d’électeur avec une irrépressible envie de la passer par la cuvette des chiottes.

Oui mais voilà, perdre sa naïveté c’est une chose, perdre son optimisme en est une autre. Dans ces cas-là, je m’amuse, si je puis dire, à un petit jeu de retour dans le passé avec cette question clé : « Des progrès significatifs, réels, irréversibles, ont-ils bel et bien été réalisés en matière de droits de l’homme, de libertés fondamentales, d’humanisation de nos civilisations, de respect des peuples et des environnements ? » Bref, à défaut de savoir s’il existe une « Fin de l’Histoire », existe-t-il au-moins une évolution, un sens, à l’aune des valeurs progressistes ? Et là, je reprends un peu pied : depuis la Révolution française au-moins, malgré les despotes, les boucheries, la politique partisane, les députés pantouflards et carriéristes… Malgré le cynisme et l’autoritarisme en fil rouge, il y a ces évolutions majeures sur le travail des enfants, la limitation du temps de travail, le droit des femmes, l’IVG, la peine de mort, le mariage homosexuel… Bien sûr que tout cela est d’une extrême lenteur, bien sûr que le vote d’une rente à vie pour un député ou un Président de la République inspire le dégoût. Mais il ne faut donc pas y penser. Il faut juste se dire, comme dans « Le cinquième élément » de Luc Besson, que « le temps n’est pas important ».

Alors malgré cette naïveté peau de chagrin, malgré cette révolte chevillée au corps, ne pas jeter sa petite carte d’électeur reste une option raisonnable. Raison pour laquelle, j’irai mettre mon petit bulletin le mois prochain pour un tandem (c’est la nouvelle loi) que je sais efficace et sincère en matière de politique de proximité. Entre Charybde et Scylla, il existe toujours un troisième moindre mal. Dans le niveau fort médiocre de la scène politique actuelle, aller au moins-disant autoritaire, au moins déconnecté des réalités du peuple, au plus conscient des dossiers urgents des 20 ans à venir.

Ne pas céder au repli, et tout en perdant sa naïveté, garder son optimisme. Et, comme journaliste ou comme artiste, rester plus que jamais dans le registre du contre-pouvoir avec lequel il faut compter. Enfin, chacun à son niveau bien sûr, ce n’est pas important. Juste à petit niveau en tout cas pour ce qui me concerne, car je n’ai pas une tribune de choc dans un journal connu. Et je ne suis pas un auteur édité non plus. Enfin, pas encore. J’ai ce petit blog et ses abonnés qui pourraient tenir dans un autobus. Et sont probablement prêt éventuellement à descendre au prochain arrêt.

Oui, rester combattif avec nos mots, au-moins pour que ces gens que nous élisons régulièrement sachent que nous ne sommes jamais dupes. D’ailleurs, pour boucler avec l’album Souchon-Voulzy, objet de mon dernier post, il y a même un titre qui s’appelle L’oiseau Malin et qui dit dans son refrain :

«  Oh prenez garde à ceux qui n’on rien

Chante chante un petit oiseau malin

Qui monte au ciel et qui pique

Au-dessus des royaumes et des républiques »

Si même Voulzy nous fait l’énervé, c’est quand même plutôt bon signe, non ?